Un bon thérapeute (un psychologue, un psychiatre, une assistante sociale) est avant tout quelqu'un qui n'est pas un mauvais thérapeute ! 😊
Donc, qu'est-ce qu'un mauvais thérapeute ?
Il y en a plusieurs sortes :
- Celui qui vous considère de haut, qui ne vous parle pas d'égal à égal, comme un être humain à un autre être humain. Bien sûr, les mauvais thérapeutes prétendront que c'est faux, mais leurs patients sentent très bien cela.
- Un autre genre est celui qui a appris et adhère à toutes sortes de théories, et n'agit que d'après elles. Par exemple, je suis allé dans mon enfance chez un psychiatre, dont la seule phrase qu'il m'a dite était l'instruction suivante : "Dis-moi tout ce qui te passe par la tête !". Il avait sans doute assimilé les paroles de Freud (et nous n'aborderons pas ici la question de savoir si Freud avait raison), qu'il fallait laisser s'exprimer les associations libres du patient. Pendant les deux premières consultations, l'exercice me semblait rigolo, et j'ai dit n'importe quoi. Bien vite, je me suis ennuyé, je sentais que ma tête était vide, que je n'avais rien à dire, et que le psychiatre ne m'aidait pas du tout. En face de moi, il y avait un monsieur qui se taisait tout le temps. Tout cela a duré jusqu'à ce que le médecin se soit épuisé lui-même de lassitude. Il a eu encore le culot de dire à mes parents que je ne participais pas au traitement (!!!), et celui-ci a été interrompu.
- Il va sans dire, mais disons-le tout de même : un mauvais thérapeute est aussi celui qui, par intérêt, prolonge inutilement le traitement.
Et donc, qu'est-ce qu'un bon thérapeute ?
Un bon thérapeute (il vaut mieux que ce soit quelqu'un ayant été formé pour cela) est quelqu'un qui rend au patient sa confiance en lui-même, et qui lui brise parfois les mythes dans lesquels il était tombé. (Moi, par exemple, je m'étais imaginé que j'étais quelqu'un de différent des autres par nature ; je n'étais pas conscient que les émotions des autres n'étaient pas fondamentalement différentes des miennes.) Un bon thérapeute agit de la sorte sans dire à son patient ce qu'il doit faire, mais en l'amenant à faire émerger de lui sa vérité. (Et celle-ci n'est pas nécessairement la même que celle du thérapeute).
Si in fine, le patient est son meilleur propre médecin, sans le secours du bon thérapeute, il risque de devenir le contraire : son pire médecin. Par exemple, lorsqu'il interprète la réalité de manière erronée, s'invente de fausses causes à son état, et désespère de lui trouver une solution. Dans le pire des cas, il se laisse tenter par ce qu'il croit être des "solutions" comme la drogue et l'alcool, sans parler du suicide.
En tant qu'exemple de la manière d'agir d'un bon thérapeute, je citerai ici un extrait d'une conversation avec Hila, ma psychologue :
Je lui ai dit un jour que je me sentais mieux : actif et ne faisant plus autre chose que de dormir, pas tout le temps fatigué. Je lui dis que lorsque j'étais dans cet état, je me considérais comme paresseux. Ma thérapeute préférée (bien que j'aie eu et je continue d'avoir avec elle des discussions tumultueuses) m'a répondu: "Tout cela est vrai mise à part une chose: vous n'étiez pas paresseux, vous étiez dépressif".
Et, de son côté, qu'est-ce qu'un bon patient ?
Je m'efforce d'être un ceux-là, après avoir longtemps commis le péché d'être de ceux que j'appelle "un mauvais patient". Un mauvais patient est celui qui rapporte tous ses problèmes et ce qui lui arrive à sa maladie, qui ne croit pas qu'il y ait de la lumière au bout du tunnel, qui oublie qu'il est avant tout un être humain avec tous ses droits (y compris, le droit d'être respecté) et ses devoirs.
J'ai en mémoire le souvenir pénible de ma cousine Florence, qui était bonne et intelligente, mais qui ne pensait pas qu'il pouvait avoir une amélioration à son état. A mon avis, elle avait été convaincue de cela, par certains de ceux que j'ai décrits précédemment comme étant de mauvais thérapeutes. Cela s'est terminé tragiquement : elle a mis fin à ses jours.
Je dirais qu'un bon patient est celui qui lutte de toutes ses forces contre la maladie. Un bon patient doit se dire: il faut combattre tous les problèmes qui restent non-résolus, et tenter de les retirer de ceux que nous attribuons à la maladie. Mais si on n'y arrive pas, il ne faut pas baisser les bras pour autant ! Même quand tous mes psychiatres me disent qu'il faut faire avec, et les considérer comme résultant de la maladie, il faut apprendre à vivre avec, de la même manière qu'un handicapé physique se sert d'une béquille pour pouvoir marcher comme quelqu'un de normal.
Exemple : Je vis dans ma bulle. Comment pourrais-je vous expliquer cela, alors que je n'arrive pas à me l'expliquer à mes thérapeutes et à moi-même ? Quand je suis en compagnie d'autres gens, c'est comme si j'étais en présence d'animaux, ou bien de personnes parlant une langue étrangère. Je traîne cela depuis l'enfance, et j'en souffre en fait jusqu'à aujourd'hui ! Ça me faisait bien entendu dans le passé me comporter de manière lunatique. Mais, avec les années, j'ai appris à adopter des types de comportements, tels que je paraisse normal (ou presque) à quelqu'un sain d'esprit. Tous les trucs que je me suis trouvés constituent la "béquille" grâce à laquelle je me conduis en société.
En résumé : je dirai qu'un bon thérapeute se comporte de manière humaine avec ses patients, avec empathie et sans sentiment de supériorité. Il n'ignore pas que les médicaments et les méthodes telles que la thérapie cognitive et la psychanalyse ne sont que des outils, qui n'expriment que ce que la science sait aujourd'hui. Il se souvient que la solution en définitive se trouve aux mains du patient lui-même.
Un bon patient est quelqu'un qui a appris à se connaître lui-même, qui lutte et ne renonce pas.
Pour finir, j'aimerais entendre de vous :
Pour les thérapeutes parmi vous :
1) Est-ce qu'il vous est arrivé de ressentir : "J'ai aidé cet homme !"
2) Qu'est-ce que votre expérience clinique vous a appris qu'on ne vous a pas enseigné à l'université, et comment définissez-vous aujourd'hui ce qu'est un bon thérapeute ?
3) Est-ce qu'à votre avis, une maladie mentale est une maladie "imaginaire" (n'existant que dans la tête du patient) ou bien une maladie comme une autre ?
Pour les patients parmi vous :
1) Est-ce que vous avez déjà eu des thérapeutes qui vous ont vraiment aidés ?
2) Comment définissez-vous un bon patient ?
3) Comment faites-vous face à la maladie ?